CONCLUSION

En résumé, du long réquisitoire dressé contre le Service Forestier, tout ce qu'un homme impartial pourra retenir semblera bien peu consistant. Tous les griefs articulés par les artistes avec une bonne foi indiscutable procèdent en réalité d'une cause unique : l'ignorance des questions forestières, ignorance à coup sûr très excusable, mais malheureusement universelle.

Les forestiers dont c'est le lot d'avoir toujours à batailler contre quelqu'un ou quelque chose, seront les derniers à s'étonner des attaques dirigées contre eux. Ces attaques sont dans l'ordre et ils n'en conçoivent aucune aigreur. Toutes les fois que des hommes, si distingués qu'ils soient, portent leur attention sur des objets qui sont en dehors de leur compétence habituelle, il est inévitable qu'ils critiquent l'oeuvre des gens du métier ;

ils ne voient des choses que l'apparence extérieure, sans discerner les raisons profondes qui les ont faites ce qu'elles sont, et sans donner à chacun des éléments qui composent cet extérieur la valeur exacte qui lui revient dans l'ensemble ; ils se disent que tout va mal, parce que le tableau qu'ils ont sous les yeux ne reproduit pas l'idéal qu'ils se sont forgé, sans réfléchir que cet idéal relève peut-être de la pure utopie.

Pour dissiper ces malentendus, il n'est que de se mieux connaître : que les artistes veuillent bien se dire que le talent artistique ne supplée pas à la connaissance des forces naturelles et qu'à manier ces forces sans avoir l'expérience requise, on arriverait à des résultats aussi imprévus qu'indésirables ; qu'ils renoncent à ce dogme à priori et invérifié que les exploitations forestières sont nécessairement destructives de la beauté des paysages ;

que, de leur côté, les forestiers expliquent aux artistes, sur le terrain même, les raisons et le but de leurs opérations ; qu'ils leur montrent comment ces opérations, dans le passé ont sauvegardé et servi les intérêts mêmes de l'esthétique. Nul doute que si chacun apporte à cet examen une entière bonne volonté, on ne parvienne à s'entendre puisque aussi bien les forestiers et les artistes sont d'accord sur le point essentiel : l'amour de la forêt et le désir d'en conserver la beauté.

Paris, le 13 Mai 1914