Le bois qui chante

Il ne suffit pas d'être un arbre pour embrasser une carrière musicale !
Il y a maints appelés pour peu d’élus.
Chez les arbres certaines familles sont naturellement musiciennes.

Pour fabriquer la table d’harmonie, la barre acoustique et l’âme d’un violon, appelées à transmettre instantanément les ondes issues de l’archet, les fibres longues et souples de "l’Épinette" (ancien nom de l’Épicéa) n’ont pas leurs pareilles.

Pour le manche, le fond, les éclisses maintenant la table d’harmonie sous tension et réfléchissent les ondes sonores, les fibres courtes et fortes d’un Érable sont requises

Devant contenir une colonne d’air, plusieurs instruments à vent sont de bois européens ou exotiques qui comptent parmi les plus durs au mondes.

Certains, sont si denses qu'ils ne flottent pas !

Le choix de l’arbre

Les luthiers s’aprovisionnent le plus souvent chez des fournisseurs spécialisés. Certains, coureurs des bois aux temps modernes, comme au temps de Stradivarius, se rendent en forêt pour y trouver l’arbre idéal.

Lequel choisir ?

Un arbre à maturité, de 100 ou 150 ans, parfois plus.
Son tronc est rond et de fort diamètre, il eut la vie douce sur un sol bien drainé, à l’abri des vents.
Un vent dominant ayant pour effet de déformer la symétrie de ses anneaux de croissance ou de le faire pousser en torsade.
Le tronc bien rectiligne est signe d’un bois en "droit fil".
Le fût, sans branche, est haut annonçant un bois "clair de nœud".
Enfin l’écorce est saine et sans défaut.

L’audition

Le luthier frappe le tronc du plat de sa hache pour apprécier le son. Le sujet doit sonner, juste, clair, fort et longtemps. S’il s’étouffe dès la première vibration, il est écarté.
Puis le luthier prélève une "carotte" de bois au cœur du tronc, s'assurant que le sujet est sain, exempt de traces d’incendie, de gélivure, d’infestation dues aux champignons ou aux insectes.

L’examen réussit, l’arbre musicien est retenu !

Mourir debout

C'est en hiver, quand l'arbre musicien est plongé dans un profond sommeil, que sa sève ne circule plus, son bois étant au plus sec, qu'on le coupe.
Il en séchera d’autant plus vite et sera moins susceptible de se fendre.

Puis on le laisse au sol sans enlever les branches pour qu’au printemps suivant les quelques feuilles qui sortiront achèvent, par photosynthèse, de le vider de son eau.
Ces feuilles sèchent vite, il faut alors, immédiatement emporter le tronc avant que champignons, insectes et autres décomposeurs du bois n’agissent.

Il faut maintenant finir de le sécher, cette fois lentement, pour qu'il ne se fende pas en rétrécissant au cours de l’évaporation de son eau ultime.
Pour prévenir de ce triste sort les pièces de bois on enduit leurs extrémités de cire.

Un bois musicien n’est jamais trop sec et n’est jamais trop vieux !