grandes feuilles d'un vert gai, arbuste de montagne si abondant dans le Massif de la Grande-Chartreuse en Dauphiné, croît tout à côté de Cistes à fleur blanches rappelant les contrées méridionales. Plus loin, nous traversons d'anciennes carrières de pavés, ouvertes du temps de Philippe-Auguste, « ce premier paveur de nos rois » comme dit élégamment Denecourt, carrières qui sont aujourd'hui recouverte et toutes peuplées de pins sylvestres. Sur le versant opposé, après avoir traversé la route de la Reine-Amélie, une nouvelle surpris nous attend, car nous apercevons quelques autres pins, aux longues aiguilles, au tronc noir, dont la silhouette est plus tourmentée, l'apparence plus rude et le dôme plus sombre : ce sont des pins maritimes qui croissent là côte à côte avec ces pins rouges de Norvège.
Il semble que les altitudes et les latitudes soient confondues, les essences de montagne se mêlant à celles de plaine, les arbres de l'extrême Nord à ceux de la Côte d'Azur.

Comment peut-on comprendre cette invraisemblable confusion, et comment se rendre compte de ces oppositions extrêmes qui sont, pour le touriste, un des attraits de la forêt de Fontainebleau?
Eh bien ! Tout cela s'explique par une raison assez inattendu. C'est que, en tant que surface boisée, la majeure partie de la forêt de Fontainebleau est entièrement artificielle. Des peuplements de nouvelles espèces d'arbres sur des terrains dénudés ont été réalisés depuis François 1er et surtout depuis Louis XV. Si l'on supposait que l'aménagement forestier fût supprimé et que personne ne s'occupât plus de la forêt, elle redeviendrait ce qu'elle était avant le Xe siècle : de grandes étendues de sables et de rochers, sans aucun arbre, entourées, surtout dans les parties basses, par des futaies sauvages ou, sur les terrains maigres, et parfois sur les hauts plateaux, par des taillis impénétrables.

L’ancienne forêt de Bière

C'était alors, du temps de Clodomir, une région qui faisait partie du Gâtinais, nom provenant du vieux mot gastine désignant un pays entrecoupé de roches et de sables ; puis, vers l'an mille, ce fut le pays de Bière, désignation qui provient - croit-on - de celui de Biera ou Bioern Cotte-de-fer, chef de pirates danois qui assiégea Melun au IXe siècle ; et dès lors la forêt fut dénommée forêt de Bière, nom qu'elle porta jusqu'à la Révolution.
Le brave Denecourt a immortalisé cette étymologie plus ou moins douteuse par un naïf calembour. Dans une de ses promenades, le sentier qu'il a tracé passe au milieu de rochers qu'il désigne sous le nom de Mastodontes - serait-ce parce qu'ils sont marqués à la surface d'hexagones ou de polygones plus ou moins