Denecourt naquit dans la Haute-Saône en 1788 ; il était l'aîné de onze enfants. Encore très jeune et jusqu'à l'âge de vingt ans, il conduisait les modestes diligences qui faisaient le service entre Luxeuil et Besançon ; il n'avait donc reçu aucune instruction. Réformé pour faiblesse de constitution et aussi à cause de sa taille très petite, il chercha à s'engager dans les armées de Napoléon, et ne réussit à être admis comme volontaire qu'en 1809. Il fit alors la campagne d'Autriche et celle d'Espagne, fut blessé, réformé, reprit du service en 1813 dans son ancien régiment, quitta encore forcément l'armée, puis décrocha une dernière fois son fusil en 1815, au moment du retour de l'île d'Elbe.
Suspect de bonapartisme sous la Restauration, puis de républicanisme, renvoyé des emplois publics, Denecourt, ayant appris l'état de bijoutier, établit un petit commerce qui prospéra fort bien, et, en 1834, il prit prit sa retraite à Fontainebleau, très satisfait d'avoir acquis deux mille francs de rente.

En se promenant autour de la ville, en s'écartant des routes sableuses pour chercher des sites sauvages et inexplorés, Denecourt s'éprit de la forêt de Fontainebleau. Errant au milieu des chaos de rochers, dans la profondeur des futaies, il se crut Robinson Crusoé explorant son île déserte. Une suite de découvertes imprévues: des roches étranges, des arbres séculaires, des vallées merveilleuses ou des montagnes abruptes agrandies par une imagination d'enfant.
Ce furent là certainement les plus belles années de la vie de Denecourt. Libre de tout souci, indépendant, n'ayant affaire qu'aux lézards et aux écureuils, il se plongeait dans la Nature sauvage. Dans quel enchantement il devait être, lorsque, revenant le soir, brisé de fatigue, déchiré par les ronces ou les buissons épineux, après avoir rampé sous les masses de grès ou escaladé les roches glissantes, il pouvait se dire qu'il avait découvert quelque région nouvelle de sa forêt !

Denecourt n'était ni naturaliste, ni poète, ni artiste, ni philosophe, mais, pour son malheur, il était philanthrope. C'est ce qui devait détruire sa tranquillité future, car, dès qu'il se mit à agir pour le bien des autres, surgirent autour de lui des ennemis de toute sorte.
Il ne désirait pas garder pour lui ces conquêtes et ces découvertes. Il voulut les révéler au monde entier et, en 1837, il en publia la description. On lit dans ces premiers écrits, au milieu de longues tirades admiratives sur les aspects sauvages de la forêt, les récits les plus invraisemblables, quoique exacts, d'explorations romantiques faites par l'auteur dans des grottes sombres qu'il parcourt une lumière à la main, où il descend suspendu par une corde au-dessus d'abîmes sans fond, l'apparition de lacs souterrains extraordinaires, les dédales de galeries dont les sinuosités le mènent à une sorte de caverne d'Ali-Baba d'où il sort