(un nom prédestiné pour augmenter les plantations de pins) qui était très sympathique à Denecourt et l'encourageait dans ses travaux. Mais le Sylvain n'eut pas toujours cette chance ; et le successeur de M. de Bois d'Hyver considérait, avec quelque raison, que ce domaine de la forêt de Fontainebleau lui avait été confié à lui et non à ce "fanatique M. Denecourt".
Cet inspecteur, que le Sylvain appelait avec une certaine modération « le terrible tuteur de sa chère forêt », alla jusqu'à lui interdire de mettre auprès de ses sentiers aucune indication quelle qu'elle fût. Devant la résistance de "l'ami de la nature", qui, dit -on, allait avec son pot de bleu et son pinceau rétablir ses marques pendant la nuit, l'inspecteur voulut faire voir qu'il comprenait e ncore mieux la nature que son soi- disant ami ; il fit dire que la forêt était déshonorée par ces peinturlurages d'itinéraires, et employa des décorateurs, qui avaient pour mission d'effacer (ô profanation !)

les marques de Denecourt, de les recouvrir chacune d'une plaque de peinture, d'un gris bleuté ou de nuance brune suivant les cas, ayant la prétention d'imiter les lichens revêtant les rochers ou l'écorce des arbres. Je me souviens encore d'avoir assisté avec indignation, quand j'étais enfant, à ce singulier travail en présence de mon père qui, désorienté, l'itinéraire à la main, se perdait au milieu de ces sentiers alors dépourvus de toute indication. Denecourt ne s'arracha pas les cheveux : il s'obstina, il plaida, il triompha, et bientôt ce fut l'Administration des forêts qui collabora à la confection et à l'entretien de ses sentiers, voire des marques bleues ! Celles- ci étaient devenues d'ailleurs plus modestes, plus sobres, de plus petite taille, comme elles le sont aujourd'hui.
Autres ennemis e ncore : les carriers ; ceux- là, non pas seulement les ennemis de Denecourt, mais les plus terribles ennemis de la forêt ;

c'était faire œuvre pie que d'obtenir qu'ils allassent porter ailleurs leurs déprédations. A l'époque où le Sylvain s'était donné sa mission, la destruction des grès pittoresques de Fontainebleau par les carrières était à son maximum. . On enlevait annuellement de la forêt 4 millions de pavés, sans aucun bénéfice pour l'Etat ; mais alors toutes les grandes routes étaient pavées et la ville de Paris à elle seule consommait des quantités considérables de ces pavés. Denecourt, par ses démarches, par celles qu'il fit faire, obtint peu à peu la réglementation de cette industrie si nuisible à la beauté de la forêt ; puis vinrent le Macadam, les pavés de porphyre de Belgique, les pavés de bois, et toute exploitation a maintenant disparu dans la forêt.