Je viens de lui demander s'il n'avait rien remarqué de particulier dans ces pierres qu'il casse toute la journée. « Si, monsieur, me répondit-il, on y voit surtout deux sortes de colimaçons et des petits tortillons tout petits, et, dans chacune des deux sortes de colimaçons, il y en a qui ne sont pas pareils. Chez moi, au pays, il y en a des vivantes dans les mares. »
Ce casseur de pierres est un observateur, et on pourrait l'appeler le paléontologiste sans le savoir. C'est qu'en effet il distingue très bien, sous le nom de colimaçons, des coquilles fossiles de diverses espèces de lymnées et de planorbes, deux genres de mollusques que l'on trouve uniquement dans les eaux douces et qui sont représentées actuellement par des espèces vivantes. Quant aux "petits tortillons tout petits", c'est ce que les géologues appellent des graines de charaignes, formées en réalité par la silicification de l'œuf des
mers, les dépôts marins, de l'époque crétacée ont émergé ou, si l'on veut, la mer s'est retirée, laissant la craie à découvert, et sur ce nouveau continent où se dessinèrent de blanches vallées comme celles qu'on voit aujourd'hui en Champagne, croissaient un grand nombre de végétaux d'allure encore subtropicale et même quelques fougères arborescentes, tandis que ces contrées étaient habitées par divers mammifères plus ou moins voisins des tapirs, des rhinocéros ou des hippopotames actuels, par des oiseaux ressemblants plus ou moins aux autruches, aux flamants, etc.
Plus tard, sur le continent dont le littoral entourait le bassin parisien, l'on voit se développer des forêts où se mêlent des essences analogues à celles qui croissent encore aujourd'hui naturellement dans les environs de Paris, hêtres, chênes, bouleaux, érables, frênes, ormes, aunes, etc.