En dehors de la série artistique, c'est-à-dire dans la "forêt de production", l'aménagement de 1904 fait aux intérêts artistiques de tels avantages qu'elle leur subordonne à peu près partout les intérêts économiques. La forêt n'est plus en réalité qu'un immense parc où les coupes ont exclusivement le caractère d'amélioration et d'entretien. Le premier service qu'on demande à la forêt c'est l'agrément du public, de tout le public ; le revenu en argent n'est plus qu'un service accessoire.
L'idée directrice de cet aménagement au point de vue cultural, consiste à prendre les choses telles qu'elles sont, sans s'inquiéter de diriger les peuplements vers un idéal plus ou moins lointain et artificiel, à respecter, partout où il existe, l'état irrégulier, à le créer parfois là où il n'existe pas, à laisser en un mot chaque groupe d'arbres et même tout individu intéressant vivre sa vie,
sans autre limite que celle indiquée par la nature elle-même, c'est-à-dire l'entier dépérissement ou tout au moins la "maturité accentué". Dans cette méthode, plus de préoccupation d'argent, plus de coupes par volume qui obligent à recruter tous les ans un nombre de mètres cubes déterminé, plus d'exploitations prématurées à échéance fixe, plus d'hécatombes d'arbres en pleine vigueur, plus de massifs serrés étouffant le petit monde bariolé des arbrisseaux, bohème charmante de la forêt. Rien que des coupes par contenance assises sous forme de "jardinage", formule qui définit avec justesse le travail changeant et très libre du forestier, enlevant ce qui est mort, taré ou inutile, délivrant les essences nobles de la concurrence des essences secondaires, dégageant l'arbre d'élite, jeune ou vieux, de l'étreinte importune de ses voisins, favorisant en un mot tous ceux que la nature elle-même a désignés pour ses sujets de prédilection.
Régime réparateur et reposant dont les pins sont seuls à ne pas avoir le bénéfice. Pour les pins, c'est la coupe rase ou presque rase, à échéance assez brève ; le forestier y trouvera son compte et les artistes ne s'en plaindront pas.
Telle est dans son exacte vérité, le traitement appliqué depuis 1904 à la forêt de Fontainebleau dans la partie non artistique. Dans ces conditions, il n'est guère sérieux de parler de coupes "sombres", de vandalisme, de forêt à sauver. Ces formules retentissantes pouvant émouvoir le bourgeois au coin de son feu et lui donner à penser qu'une des merveilles de la France est véritablement en péril ; mais à l'homme désireux de voir par lui-même, il suffit d'une demi-heure de promenade en forêt pour être édifié et sourire.