L'APRÈS ET L'AU-DELÀ DES ARBRES

Depuis toujours l'homme fit feu de tout bois. L'adage en est la preuve. C'est encore en l'an 2.000 la principale source d'énergie pour la majeure partie de l'humanité. Cet usage, marginal aujourd'hui en France, fut si important par le passé que le substantif "VOIE" qui désigne une route désignait encore au 19° siècle un type de fardier destiné au transport du bois de chauffe ainsi qu'une unité de vente.

Le bois de feu sert au chauffage domestique industriel; soit débité brut, soit réduit en charbon de bois. Il servit aussi à l'éclairage.

Le bois d'éclairage. Les torches de résineux remontent à la domestication du feu. On a trouvé dans le sol de la grotte de Lascaux un brûloir poli qui contenait encore des cendres de genévrier commun. On peut se demander si le choix de cette essence particulièrement odorante n'était pas guidé par un besoin complémentaire à celui du seul éclairage.

Le charbon de bois

Le charbon de bois est produit par une combustion partielle du bois obtenue en meule, au four, en chaudière, en fosse ou en vase clos.

En meule

C'est le procédé des forestiers. On forme avec des "Charbonnettes" qui sont des bûches de même longueur, disposées verticalement en deux ou trois assises superposées, une sorte de dôme, la "Meule". On la recouvre de terre humide ou de mousse. A la base, des canaux ont été ménagés qui conduisent l'air à une cheminée centrale. Le feu est allumé au fond de la cheminée et on en règle l'allure en ouvrant et fermant les évents des canaux. A la fin on laisse refroidir au moins 24 heures à l'abri de l'air.

Au four

Le procédé suivi est le même qu'en meule, les charbonnettes étant disposées dans un four en briques réfractaires.

Les procédés suivants, en chaudière, en fosse et en vase clos étaient destinés à l'obtention de diverses qualités de poudres de guerre.

En chaudière

La chaudière est munie d'évents et on mêle des lits de copeaux aux bûches.

En fosse

On pratiquait pareillement qu'en chaudière, dans une fosse maçonnée et l'étouffement du feu se faisait avec des linges humides.

En vase clos

Les cornues destinées à cet usage sont nommées Fauldes. Le charbon de bois ainsi obtenu est roux.

Le bois de chauffage domestique

Le bois de chauffage domestique se brûle soit en cheminées, soit en poêles, soit dans des fourneaux de cuisines qui sont alors aménagés avec un foyer profond et une porte en façade.

Le gros bois ou bûches comprend les rondins et les bois en quartiers ou refendus. Le bois entier ou de longueur a 1m.14 de long (mesure de Paris), coupé en deux ou trois il devient le bois scié. Dans le commerce le scié un trait est le bois en deux morceaux et le scié deux traits est le bois en trois morceaux.

La Falourde est un fagot de quatre à cinq rondins liés. Les fagots sont du bois de taillis. Le Cotret un fagot de bois courts et de médiocres grosseurs. Le Margotin un fagot de brindilles.

On distingue encore le bois de pied du bois de brin, car on préfère toujours le rondin au bois refendu.

Le gros bois est plus généralement vendu au volume qu'au poids. Tout dépend alors du rapport entre le plein et le vide, donc de l'habileté de celui qui mesure. La vente est faite au stère ou à la voie (2 stères) ou à la corde (4 stères).

Le bois de chauffe industriel

Les forges de Monsieur de Buffon à Montbard fonctionnaient au bois. La fonte à la houille est apparue en Angleterre au 18° siècle et concurrença la fonte au bois pour des raisons de coût. La fonte au bois gardant l'avantage de la qualité pour ce qu'elle ne donne pas un produit souffré.

De ce fait elle connut un regain d'intérêt sous le second empire avec le développement du chemin de fer pour l'élaboration de produits de qualité destinés aux essieux et aux bandages de roues.

La fonte au bois se maintint en France jusqu'en 1932.

En Suède, gros producteur de bois, la fonte au bois eut un rôle économique très important avec l'apparition de l'acier Bessemer et le dernier haut fourneau au bois s'y éteignit seulement en 1967.

 
 

L'industrie mécanique du bois

Elle fait appel aux qualités physiques dues à la structure particulière du bois.

Elle englobe, d'une part les entreprises qui partant de la grume, sortant de la forêt, la transforment et la mettent à disposition, ce sont les scieries, les fabriques de placages et contreplaqués, d'autre part les entreprises de produits finis.

Les entreprises de la première catégorie produisent les formes de bois suivantes:
Les bois de fente qu'ils soient obtenus à la serpe ou à la plane (échalas, lattes) ou qu'ils soient obtenus au coin (bois de chauffage).
Les bois de sciages produits des scieries.
Les bois d'équarrissage présentaient autrefois des faces aplanies à la cognée.

Les scieries font le "débit premier" ou "grand sciage", elles scient les grumes, ou "billes", dans la longueur en planches, plateaux et pièces.
Le premier trait de scie fait tomber la croûte ou "dosse"
Si les autres traits sont parallèles au premier on obtient un "débit sur dosse" et la bille reconstituée en plateaux empilés sur liteaux porte le nom de "plot".
Pour le "débit sur quartier " on divise les grumes par quartiers qui subdivisés en pièces donnent le bois "sur mailles" pour parqueteurs et ébénistes.

Le sciage industriel des feuillus durs comme le Chêne ou le Hêtre est plus compliqué que celui des résineux, car vivants en peuplements moins homogènes, chaque grume demande un débit particulier relevant plutôt de la scie à ruban.
Le chêne de bonne qualité sera débité sur quartier.

Le bois est souvent traité sur place, puis séché à l'air libre ou artificiellement en séchoir. Les pièces de bois issues de la scierie sont rugueuses.
Les utilisateurs suivants devront le plus souvent procéder au "corroyage", c'est à dire au dégauchissage (dressage du premier parement) et au rabotage (dressage et tiré d'épaisseur du second parement).

Les déchets sont les sciures et les délignures, ces dernières réduites en longueurs peuvent être fagotées pour d'autres usages.

Les pièces de sciages les plus courantes sont:

  • • Les Poutres
  • • La Solive
  • • Le Madrier

Scié à traits de champ le madrier donne selon l'épaisseur des Planches, des Panneaux et des Feuillets.

Scié en "traits bas" (à plat), le madrier donne le Bastaing, la Frise et le Liteau.

De plus on trouvait, selon les essences, d'innombrables pièces particulières dont les dimensions variaient d'une région à l'autre. Quelques exemples :

  • • Le Sapin de Lorraine donnait des pièces voisines de la planche nommées Plat-bord et Patouille.
  • • Le Peuplier donnait le Feuillet, la Volige de Bourgogne ou celle de Champagne et le Quartelet.
  • • Le Chêne donnait, entre autres, l'Entrevous, la Doublette et la Membrage.

Les fabriques de placages et contre-plaqués

La fabrication du placage était obtenue autrefois par un sciage très fin, fait à la main.
Aujourd'hui que les feuilles de placages soient obtenues par tranchage ou déroulage, le procédé est mécanique.
La dérouleuse est une machine dont le couteau est parallèle à l'axe d'une grume mise en rotation. Le débit se fait alors dans le sens, des cernes annuels du bois.

Les feuilles déroulées de grandes dimensions sont surtout destinées aux contre-plaqués qui sont des panneaux composés de feuillets, en nombre impair, collés à "fils croisés" les uns sur les autres. Le pli médian est "l'âme" du panneau.
Le tranchage fin est surtout destiné au placage, souvent on le pratique "sur mailles". Les feuillets, empilés dans l'ordre exact du tranchage, forment des "quartelles" qui permettent à l'emploi de produire des effets de symétrie ornementale.

Les menuisiers et les charpentiers

La plupart des menuiseries produisent des éléments standardisés, portes, fenêtres, huisseries et autres éléments de logements ainsi que du mobilier ordinaire en séries.

Les parqueteurs et les mouluriers

On fait des parquets en feuillus (surtout en chêne) et en résineux. La parqueterie de résineux est souvent le complément d'une scierie.
Les moulures et les plinthes de bois sont très concurrencées par les autres matériaux.

Les emballeurs

Les emballages sont une part importante des industries du bois.
Avec d'une part un emballage lourd, caisses et palettes, d'autre part un emballage léger en bois déroulé et agrafé, cagettes, cageots, plateaux, boites légères.
On fabrique environ 350 millions de boîtes à fromages par an.

Les tonneliers et les boisseliers

C'est le Chêne qui est principalement utilisé par le tonnelier sous forme de merrains fendus, sciés ou tuilés; mais on utilise aussi du Châtaignier, de l'Acacia et du Frêne.
La boissellerie qui fabriquait les mesures de capacité en bois, les cribles, les tamis, les seaux et les soufflets, a quasi disparu.

Les tourneurs

Les bois tournés sont surtout destinés à l'ameublement et aux pièces de marine ainsi qu'aux articles dits de "saint Claude " (pipes, crayons, bobines, moyeux, manches).

Il y faut des essences dures et homogènes :

  • • Le Châtaignier, le Hêtre, le Frêne, le Charme, le Cornouiller feront des manches.
  • • L'Aulne et le Tilleul des bobines.
  • • L'Orme des moyeux.
  • • Le Buis, l'Erable, le Bouleau et le Hêtre encore, des jouets.
  • • Le Chêne et le Noyer des meubles.

Les ébénistes et les luthiers

Les ébénistes fabriquent les meubles contemporains de prix et restaurent les meubles anciens.

Les luthiers, archetiers et facteurs fabriquent des instruments destinés aux musiciens.

Ces deux métiers utilisent toutes sortes d'essences indigènes ou importées et toutes les techniques de travail du bois.
Ces métiers exigent de nombreuses compétences et beaucoup d'expérience professionnelle.

Les machines principales de l'industrie mécanique du bois sont :

  • • Les scies alternatives verticales à lames multiples ou horizontales simples.
  • • Les scies à ruban et les scies circulaires.
  • • Les dégauchisseuses et raboteuses qui dressent les faces des pièces brutes de sciage, au moyen de lames rotatives horizontales.
  • • La toupie qui est une machine à arbre rotatif vertical portant un fer, une fraise ou une molette. On fait avancer la pièce de bois perpendiculairement à l'arbre.
  • • La défonceuse sorte de toupie dont l'arbre se déplace verticalement au-dessus d'une table de travail.
  • • La mortaiseuse-perceuse et sa contre-partie la tenonneuse.
  • • Les tours où la pièce de bois est mise en rotation et supporte l'attaque des outils divers.
 
 

Contrairement aux emplois mécaniques qui se servent de la structure du bois, la distillation a pour objet d'en extraire les composants.

C'est l'ingénieur Lebon qui en 1798, le premier, mit au point une industrie de production de gaz pour l'éclairage urbain. Il créa la première usine de distillation du bois. Mais le charbon remplaça assez vite le bois pour cette production. C'est un siècle plus tard qu'on retrouva de l'intérêt pour ce procédé, cette fois pour les productions d'alcool méthylique et d'acide acétique.

Voici la suite des opérations menées dans une cornue close évacuant par l'intermédiaire d'un serpentin passant dans un réfrigérant.

  • • A partir de 100°, le bois perd son eau, s'il s'agit d'un résineux celle-ci est couverte d'un voile d'essence.
  • • Vers 150°, le bois brunit, l'eau recueillie se fonce et devient acide.
  • • Vers 250°, Le liquide qu'on recueille se sépare en un goudron et, plus léger à sa surface, le "Jus pyroligneux", tandis qu'il commence à dégazer de l'oxyde de carbone et du gaz carbonique.
  • • Rapidement, vers 270°, la réaction devient exothermique, il n'est plus besoin de chauffer.
  • • A partir de 300°, la réaction chimique ralentit.
  • • Vers 700°, toute activité spontanée, cesse. Il ne reste dans la cornue qu'un charbon de bois au toucher onctueux et sonore aux chocs.

D'un coté on a obtenu un jus pyroligneux, du goudron dans des proportions variables, de l'autre du charbon selon les essences et selon les conditions de culture de cette essence.

L'industrie charbonnière :

Si on ne vise que l'obtention du charbon de bois on procède à la même opération, cette fois à ciel ouvert. C'est une simple carbonisation.
La meule du charbonnier est le procédé le plus ancien de carbonisation, il demande beaucoup d'expérience pour que le charbon soit de qualité.

CAujourd'hui on carbonise dans des fours métalliques.

Le charbon de bois a, ou avait, maints usages en dehors du chauffage.
On notera, de façon non exhaustive :

  • • La cémentation et l'affinage des métaux.
  • • Les charbons actifs.
  • • Les produits filtrants.
  • • Les industries des cyanures.

L'industrie chimique du bois :

Les usines de distillation du bois sont des installations importantes qui, outre les cornues et leurs réfrigérants pouvant traiter plusieurs stères de bois à la fois, disposent de l'appareillage nécessaire à la séparation et au traitement des sous-produits.

Le jus pyroligneux contient jusqu'à 10% d'acide acétique et jusqu'à 3% d'alcool méthylique ainsi que des traces de furfurol, d'acétone et d'alcool allylique. Dans l'usine de distillation on extrait (par neutralisation) les produits acides, ce mélange est nommé acide pyroligneux.
Le restant, quasi en totalité de l'alcool méthylique additionnée d'acétone et de traces diverses, est nommé méthylène ou "Esprit de bois".

Ce méthylène est la plus importante production de cette industrie. Il sert, entre autres, à la dénaturation des autres alcools sous le nom de "méthylène-régie" aux teneurs et proportions réglementées (ce sont les traces d'alcool allylique qui font son odeur).

Le goudron est un composé de furfurol, de carbures et de dérivés phénoliques comme la, si utile, créosote.
Les goudrons issus de résineux sont de nouveau traités en cornue. On en tire en même temps qu'un second jus pyroligneux des huiles légères nommées huiles de Pin, proches de la térébenthine et un goudron final qui, comme celui de Norvège, est propre aux cordages et aux calfatages.

Les goudrons issus des feuillus ont plus de qualité et sont surtout destinés à la production de créosote et de son meilleur constituant le Gaïacol

Le jus pyroligneux, peut être lui aussi, distillé une seconde fois, le résultat en est d'une part un fort mauvais goudron dit "goudron de vinaigre", d'autre part le pyrolignite de chaux dont on tirait l'acide acétique et l'acétone.

 
 

La Cellulose

Le bois est fait essentiellement de cellulose (40 à 50%), moins pure que celle du Coton, mais aux propriétés analogues.

On fait avec le bois des "pâtes cellulosiques " :

1- Les pâtes mécaniques qui sont produites par l'ancien procédé de rapage du bois sur des meules. Cette pratique requérait surtout des résineux aux fibres longues comme le Sapin et l'Epicéa et quelques feuillus tendres comme le Peuplier, le Bouleau et le Tilleul.
Ce sont des pâtes contenant les autres composants du bois comme la lignine, elles ne sont utilisées qu'en mélange avec des pâtes chimiques pour quelques papiers et le carton.

2- Les pâtes chimiques sont obtenues par l'action sur les bois résineux hachés de produits tendant à l'élimination des impuretés et de la lignine.
On distinguera :

  • • Les pâtes faites à la soude où il reste encore de la lignine, sont brunes,
    on en fait le très solide papier "Kraft " à partir du Pin maritime principalement.
  • • Les pâtes faites au bisulfite sont les plus blanches et les plus riches en cellulose.
  • On en fait du papier journal ou après un blanchiment supplémentaire (chlorure de chaux ou hypochlorite de soude) des papiers blancs (on en fit aussi la rayonne des couturières).
    Si on nitrifie cette pâte cellulosique on pourra par des procédés divers obtenir des explosifs, des collodions, des vernis cellulosiques, du celluloïd, des films, de la cellophane.

Les extraits

Les tanins végétaux sont utilisés depuis des temps immémoriaux au tannage des peaux. Pour les obtenir, il suffit de laisser macérer le bois broyé ou découpé dans de l'eau puis de concentrer le liquide obtenu.
Des essences d'Europe c'est le Châtaignier qui contient la plus forte teneur en tanin dans son bois de cœur (entre 8 et 14%) et le Chêne de 10 à 20 ans dont l'écorce est riche à même teneur.
L'écorce de Chêneaux, pulvérisée au moulin, se nommait "Tan ".

De nos jours les extraits tannants sont produits industriellement en autoclaves.

En sus des tanins l'industrie du bois produit des extraits tinctoriaux, certains ne sont obtenus qu'à partir de bois exotiques (Campêche, Quercitron).

L'amélioration du bois et le bois amélioré

L'amélioration du bois laisse son aspect inchangé et augmente sa capacité de conservation par injection de composants chimiques liés, ou non, à des teintures. On traite ainsi surtout des bois de construction, et, autrefois en quantités importantes, les poteaux de lignes et les traverses de voies ferrées.
Pour cette fin, les techniques successives visèrent à imprégner le plus possible en profondeur tout en diminuant la quantité de produit utilisé.
On alla ainsi, de la simple immersion dans un bain, au traitement en autoclave avec alternance de mise en pression et de vide relatif.
La créosote est l'agent le plus connu mais on emploie également le sulfate de cuivre, des phénols chlorés et des phénols nitrés.
A ces agents conservateurs on adjoint des sels (fluorures, chlorure de Zinc, bichlorure de Mercure).

Les bois améliorés sont ceux auxquels on confère d'autres qualités que celles d'origine.
Aux procédés d'imprégnation par des résines synthétiques, on peut ajouter une densification artificielle par pression (exemple: la bakélite).

 
 

Du bois sacré à l'arboretum

La forêt profonde, infinie, dont on ne peut saisir le tour, a toujours été mystérieuse pour l'homme.
Image du chaos primitif et des eaux primordiales, espace des manifestations d'un autre monde né du vertige des sens, elle terrorise autant qu'elle fascine.

Entre -2.700 et -3.000 Gilgamesh et Enkidu vont défier et vaincre le géant Huwawa, brute primitive, dans la forêt des cèdres embaumés.
C'est dans le bois d'Arès, à Poti, confins du monde sur la mer Noire, que les Argonautes s'emparent de la toison d'or (La toison est un emblème de la bestialité primitive).

De même, à Onchestos près du bois d'Apollon (Dieu oiseau) on trouve celui de Poséidon.

Lieu de mort et de renaissance, sous le sceau d'un secret consenti, on y pratique des rites de passage comme la cryptie ou la forme primitive de l'éphébie qui sont des morts suivies de renaissances.
Pour conjurer le sort et sa peur, l'homme de la cité a besoin d'une représentation où les dieux viendront habiter, où il célébrera les rites concourant au maintien de l'ordre dans la nature (les saisons) et dans les affaires des hommes (la paix, la guerre, les âges de la vie).

Pour cela, le sanctuaire qu'il soit temple ou simple autel, était souvent entouré d'une plantation. Ce sont les "bois sacrés" -Alsos- de la préhistoire grecque et mycénienne.
L'essence choisie, jamais en mélange, parfois fruitière, est toujours en rapport symbolique avec la divinité dédicataire.

Un bois de peupliers entoure l'autel des nymphes à Ithaque,
les chênes oraculaires de Zeus sont à Dodone. Le vent dans les feuillages parle la langue des Selles (Σελλοί).
L'Arcadie et ses bergers chantent Déméter dans le bois sacré du Mégaron, tandis qu'au dème de Lakiadae on lui réserve la récolte d'un bois de figuiers.
Aphrodite avait son bois tant à Paphos que dans l'île de Chypre.
À Colone était le bois des redoutables Euménides.
Tout près, à Athènes, l'Aréopage gardait l'huile provenant des bois d'oliviers consacrés à la déesse éponyme.

L'Alsos de Dionysos à Mégalopolis était interdit aux hommes. Celui d'Olympie n'était ouvert qu'une fois l'an aux femmes honorant Hippodamie.

L'énumération qui précède montre à l'évidence que le souci religieux se complétait du souci d'assurer une ressource au personnel du temple et de préserver parmi les arbres des sujets exceptionnels.
Les mêmes fonctions symboliques se trouvent dans les civilisations du croissant fertile. Puis dans la catéchèse Juive et, par voie de conséquence, dans celle de l'église chrétienne primitive.

Ainsi, Matthieu (XV 13) :
Toute plantation (Futeia) que n'a pas planté mon père céleste doit être déracinée.
est repris par Ignace d'Antioche dans sa lettre aux philadelphiens :
Détournez-vous des mauvaises herbes (Botanon), que ne cultive pas Jésus-Christ, parce qu'elles ne sont pas la plantation du Père. (III,4).
et encore, dans les Odes de Salomon :
Heureux ceux qui sont plantés dans ta terre, pour lesquels il y a une place dans ton paradis. Ils ont rejeté loin d'eux l'amertume des arbres quand ils eurent été planté dans ta terre. (XI, 15&18).
On peut approcher ces textes par exemple de l'évangile de vérité (gnostique):
Il connaît ses plants, parce que c'est lui qui les a plantés dans son paradis." (XXXVI, 35,38).

Pour l'église chrétienne primitive la plantation d'arbres désigne une réalité collective. Plantée à la fois par Dieu le père, le fils et les apôtres, elle emplit le paradis.
Elle est l'église constituée de nombreux plants, s'y opposent les innombrables mauvaises herbes.
L'ensemble de l'image fait référence au "Reste d'Israël " d'Isaïe (Isaïe LX,21 et LXI,2).

Au même siècle, la littérature apocalyptique juive abonde d'images comparables, par exemple dans I Hénoch le peuple élu est comparé à une plantation en plusieurs occurrences et dans les Psaumes de Salomon on trouve :
Le paradis du Seigneur, les arbres de vie ce sont les saints, leur plantation est enracinée pour l'éternité; on ne les arrache pas pendant toute la durée du ciel. (XIV 2,3).

Ln trouve encore ces images dans la littérature des gnoses juives et chrétiennes. Elles participeront aux fondements dont se réclameront plus tard les églises romaines et orthodoxes au travers d'auteurs comme Clément d'Alexandrie.
A la même époque, Pan, un autre de ces dieux uniques et universels, a pour demeure symbolique le Pin (Quand à Pan, ils lui donnèrent pour demeure, à la place d'un Pin, un temple - Daphnis et Chloé IV,39 -).

Cette image et toutes les représentations symboliques des arbres nourrissent toujours notre civilisation.

Parallèlement aux besoins religieux, le besoin de lutter contre la faim, l'attrait du luxe (bois précieux, fruits exotiques, arbres et plantes extraordinaires), firent que, multipliant par culture les variétés utiles ou jugées remarquables, on parvint à fixer des variétés au sein des espèces naturelles, à acclimater des espèces venues de pays lointains (Cesarus avium), à pousser des espèces indigènes jusqu'aux limites de leurs possibilités écologiques (Castanea sativa).

Pour des motifs certainement proches, joints à l'influence milésienne puis aristotélicienne, la Grèce classique finissante et les centres hellénistiques, entreprirent l'étude systématique des plantes.
On a perdu les travaux d'Aristote, mais Théophraste son successeur à la tête du lycée, nous laissa deux ouvrages (Histoire des plantes - Sur les causes des plantes) déterminant les flores des parties du monde connu.
Il classe environ 600 plantes (dont les envois reçus de l'armée d'Alexandre).
Peu après Phanias introduisit la distinction entre plantes à fleurs et sans fleurs.
A Alexandrie dans les jardins du musée on cultivait non seulement des plantes médicinales, mais encore des plantes maraîchères et des arbres pour des raisons scientifiques et aussi de vulgarisation.

Dans le monde romain, la recherche fut guidée entièrement par un puissant sens pratique.
Ainsi, Virgile dans ses géorgiques expose les façons culturales arbustives pour les légionnaires démobilisés, reconvertis en soldats laboureurs, sur ordre d'Auguste.

Après le morcellement de l'empire romain, l'empire byzantin cessa à partir du VIe siècle presque toute production écrite, jusqu'au IXe siècle finissant, pour ne reprendre ensuite qu'une production religieuse.
Il faudra attendre la Renaissance en Europe occidentale pour que se fassent de nouvelles études botaniques.

Avec la découverte du nouveau monde, c'est d'ouest et par mer que vinrent de nouvelles essences. La révolution fut profonde. Elle transforma radicalement le paysage rural, les parcs et les jardins ; mais peu et très lentement le paysage des forêts spontanées et celui de la sylviculture.

Ce n'est qu'en 1636 que Jean Robin apothicaire et "Arboriste " des rois Henri III, Henri IV et Louis XIII introduisit le Robinier (faux-acacia) et la Ketmie.

Aussi bien par les jardins d'agréments entourant les riches demeures de la renaissance que par les jardins monacaux; toutes ces plantations, réelles ou symboliques, depuis l'aube de notre civilisation, sont les ancêtres communs de nos vergers (viridaria) artisanaux de nos jardins botaniques et arboretums.

Epoque contemporaine

C'est en 1777, à la fin de l'ancien régime, que Bernard de Jussieu crée le jardin botanique de Versailles et en 1836 que son neveu Laurent, crée le jardin des plantes à Paris.
Puis, au cours du 19° siècle le jardin des plantes herbacées et l'arboretum vont diverger.

Il parut vite que certaines essences étrangères poussaient mieux et étaient d'un meilleur rapport que nos essences indigènes sous notre climat et sur nos sols.
On entreprit des essais systématiques dans des zones en reboisement sur diverses espèces et variétés dans l'espèce. De fait on ne fit que d'accélérer le processus de diffusion des espèces et d'obtenir en un siècle ce qui exige des millénaires.

De ces arboretums ( le mot apparaît dans des écrits botaniques en 1862 et vers 1960 dans les dictionnaires usuels ) on tira des enseignements dont par exemple :

  • • La réussite du Douglas près des côtes.
  • • La sensibilité à la sécheresse d'espèces japonaises.
  • • La réussite forestière ou ornementale en France d'essences comme le Calocèdre (Calocedrus decurrens), le pin des Balkans (Pinus peuce), l'Epicéa de Serbie (Picea omorika), le Noyer noir d'Amérique (Juglans nigra).

On sauva des espèces en voie de disparition comme :

  • • Le Sapin de Sicile ( Abies nebrodensis ).
  • • Le Pin d'Algérie ( Pinus nigra mauretanica ).

Dans le même temps les arboretums prirent deux orientations distinctes :

Les arboretums forestiers

Ils n'ont qu'un nombre limité d'espèces représentées par un nombre de sujets suffisant (25 au moins, 50 si possible) pour permettre les travaux de sylviculture.
Ces arboretums permettent de comparer les aptitudes respectives des essences de reboisement dans la région de l'arboretum.
Aujourd'hui, l'analyse mathématique systématique des données prélevées sur les stations leur a ôté beaucoup d'intérêt.

Les arboretums de collection

Ils rassemblent des espèces exotiques, disséminées par pieds isolés ou par petits groupes, dans une parcelle forestière ou dans un parc. Ce sont des musées variant au fil des saisons, dont l'intérêt se partage entre la science et la pédagogie.
Les pépiniéristes, les jardiniers paysagistes, les urbanistes y trouvent une documentation vivante et peuvent y recueillir des informations concrètes pour leurs projets.
Les professeurs, les élèves et le public désireux de s'instruire y trouvent les végétaux en vraie grandeur pour apprendre à les identifier.

Ces arboretums tirent profit du renouveau du goût public pour les choses de la nature.