Histoire de la peinture de paysage

Réalité de Barbizon

Quoi qu'on en puisse écrire et dire, soit avec des dépliants touristiques, des guides prétendument informés ou des expositions de banlieue, jamais une "École de Barbizon" n'exista.
Ce qui marqua son époque et, durablement, l'art plastique fut une "Résidence de Barbizon".

Cette résidence s'inscrit au sein d'une histoire générale de la circulation européenne des arts et lettres, depuis l'aube des "Temps modernes"(1453), dans une évolution des techniques graphiques qui débuta au XVIIIème siècle et dans les circonstances politico-économiques propres au premier tiers du XIXème siècle.
Il est certain qu'en cette résidence se façonna une part importante de ce qui est, aujourd'hui encore, notre "goût" ; le meilleur et le bon, comme le mauvais et le pire (si l'excellent est fragile, l'épouvantable est opiniâtre).

Ce peintres français et du monde qui séjournèrent à Chailly-en-Bière, puis à Barbizon sont de ces hommes qui contribuèrent à faire de Paris de 1816 jusqu'en 1939, la "capitale du monde" (P; Higonnet - ed: Harvard university - 2005).

L'objet de ce chapitre est de présenter, très succinctement, les trois domaines, énoncés ci-avant (art - technique -social) sans lesquels Barbizon reste plus un hasard ou un mystère qu'une réalité humaine.
Le lecteur instruit, ou simplement pressé, peut se rendre directement au chapitre suivant, "la villégiature de Barbizon"

 

Georges Michel (1763 - 1843)
-Arbre coupé par le travers d'une route en forêt-

 

Adolphe Hervier (1878 - 1879)
-Rue de village, Barbizon-

Histoire de la représentation du paysage dans l'art d'occident

Un genre délaissé

Dans l’histoire de la peinture occidentale, le paysage a longtemps fait figure de parent pauvre. Si la peinture de paysage commence en Flandre au XVe siècle, le mot n’apparaît pas avant la Renaissance ; il faut attendre le XVIIe siècle pour que le paysage devienne un sujet autonome, mais, dans la hiérarchie des genres picturaux il occupe une place bien modeste.

À contrario, depuis la nuit des temps, la peinture et le dessin coréens, la peinture chinoise qui en fait le genre « montagne et eau », puis l'art japonais, plaçent le paysage au premier rang de leurs modes d'expressions (La notion de genre, telle que nous l'entendons, est étrangère à ces civilisations).

Ce genre, si longtemps délaissé en occident, connaîtra une éclatante explosion au XIXe siècle, il deviendra pour un temps le thème favori de bien des peintres. Les artistes contemporains le pratiquent encore.
Un court rappel historique est nécessaire.

Antiquité et moyen-âge :
Peut-on parler d'un art
du paysage ?

Si on retient les sens de "paysage" énoncés par un dictionnaire simple et populaire comme le Petit Robert :
1°) Partie d’un pays, étendue de terre que la nature présente à l’observateur.
2°) Figuration picturale ou graphique d’une étendue de pays où la nature tient le premier rôle et où les figures (d’hommes, d’animaux) et les constructions (fabriques) sont accessoires.

Le paysage indépendant n’existe ni dans l’Antiquité, ni pendant la plus grande part du Moyen-Âge. Augustin Berque emploie, justement l’expression de « proto-paysage » qu’on peut lui emprunter.

Les protos paysages antiques

Si la nature n’est pas le sujet principal des peintures et sculptures antiques, elle n’en est cependant pas absente.
L’art égyptien nous présente, sur les parois des tombes, des paysages nilotiques cadres de la vie quotidienne des humbles et des grands.

La peinture gréco¬romaine est presque entièrement perdue, cependant les demeures de Pompéi, Herculanum, Oplontis sont ornées de peintures murales. Le plus souvent, ce sont des scènes mythologiques avec en arrière-plans des paysages.

Les mosaïques très colorées des IIIe et IVe siècles ap. J-C. ont aussi des éléments paysagés, parfois exotiques (chasse au lion, etc.) dénotant d'un goût certain pour l'étrange, sorte d'orientalisme.

La sculpture fait aussi une place, modeste il est vrai, au paysage :
Ainsi, la colonne Trajane romaine montre des légionnaires aux rives du Danube (IIe s. ap. J-C.) et sur des sarcophages de l’Antiquité tardive (IIIe – Ve s. ap. J-C.), le cadre naturel est indiqué.

Ces exemples témoignent l’intérêt que l'Antiquité portaient à son environnement car "l’homme est né pour contempler le monde" ? (Cicero -De natura deorum II, 39-).

Les protos paysages médiévaux

Lorsque s'installe le Christianisme, un changement complet se produit, car l'homme a été créé pour louer Dieu.

Quasi tout du long du Moyen-Âge, les images et les formes sont chargées d'instruire des messages des fables bibliques

Les peintres et les tailleurs de pierre ne se préoccupent pas du monde visible mais développent un programme eschatologique. Les quelques éléments naturels, arbre, montagne, ciel étoilé, des chapiteaux historiés ou des fresques romanes sont là comme symboles ou purs ornements.

Le démon à sept têtes précipité aux enfers,
vers 1230 (Trinity college -Cambridge-)

Les sensibilités évoluent et l’art gothique se fait plus naturaliste, lors des deux derniers siècles du Moyen Âge soumis à l'influence franciscaine. Francois d’Assise (±1181 – 1226) prêchant un amour de la nature ne détournant pas de celui du Christ, au contraire menant à lui par sa création.
Giotto, peignant la vie du Poverello sur les murs de l’église supérieure d’Assise, introduit la représentation de la nature toscane.

Le naturalisme gothique conquiert vite l'Europe Chrétienne. Il marque autant la sculpture que la peinture.

Guillaume de Machaut (±1300-1377) reçoit la nature - B.N.

Ces paraboles, ces oraisons, peintes ou simplements dessinées, devenus faits constants de l'art Chrétien, seront toujours des motifs pour un artiste tel que Jean-François Millet au-delà de contextes sociaux et techniques totalement différents.

Jean-François Millet
La fuite en Égypte -Dijon-

La naissance
du paysage

Au XVième siècle les flamands

Le paysage, proprement dit, nait avec les enluminures des peintres de l’Europe du Nord et particulièrement des Flamands. Dans les "Très Riches heures du Duc de Berry", enluminures créées entre 1413 et 1416, les "frères de Limbourg" illustrent les mois de l’an avec le château princier placé dans son paysage et, au premier plan, les travaux agricoles du moment ; ils prennent un soin minutieux à rendre les lumières selon les mois.

Guillaume de Machaut (±1300-1377) reçoit la nature - B.N.

Le paysage apparaît aussi dans les enluminures des frères Van Eyck ainsi que dans leurs tableaux. Dans la Vierge au Chancelier Rollin (ci-dessous), Jan Van Eyck (1390 – 1441) applique le principe énoncé par Alberti, « Je trace un rectangle de la taille qui me plaît et j’imagine que c’est une fenêtre ouverte par laquelle je regarde tout ce qui y sera représenté ». La Vierge, l’Enfant et le Chancelier sont placés dans une loggia qui s’ouvre, au centre du tableau, sur un paysage à la fois rural et urbain, synthèse des riches Etats du Duc de Bourgogne. La perspective géométrique y est encore empirique,

La Vierge au Chancelier Rollin
Van Eyck

Adoration de l'agneau.
Van Eyck

Il en va de même dans les enluminures de Jean Fouquet.

Conversation entre St. Gontran et St. Childebert II.
Jean Fouquet

Le Decameron
Jean Fouquet

En Italie, la perspective géométrique est utilisée depuis Brunelleschi (vers 1420).

Le cortège des mages
Benozzo Gozzoli 1459

Alors que Paris et l'île de France furent le centre moteur de l'art gothique, à compter du XVème siècle se developpe un nouvel arc culturel, s'appuyant sur les états italiens et le grand duché de Bourgogne.
Entre Flandre et Italie les échanges sont fréquents, les marchands et les artistes voyagent, ainsi Van Eyck et Fouquet séjournèrent à Rome.

On peut considérer que le développement de la peinture de paysage au XVe siècle résulte de recherches parallèles et concomitantes du domaine septentrional et d'Italie. Avignon, en position médiane, abritant alors la cour pontificale est un des principaux lieux d’échanges artistiques.

reproductions de filippino lippi et de lorenzo lotto

Des mots pour signifier

On peutconsidérer que la peinture de paysage est apparue avant le vocable. Celui-ci aurait été utilisé pour la première fois en 1493 par un poète valenciennois Jean Molinet. Le mot "landskap" naquit aux Pays-Bas à la fin du XVe siècle. A travers ses dessins, ses tableaux (La Joconde, La Vierge, sainte Anne et l’enfant Jésus…) ses écrits (Trattato della pittura), Léonard de Vinci (1452 – 1519) témoigna d’un grand intérêt pour le paysage. Mais le mot paesaggio, n’apparaît qu’en 1568 sous la plume de Vasari dans la deuxième édition de ses biographies d’artistes, ce mot est probablement d’origine française.

en-tête de niveau H4

La ferveur paysagère
des artistes du Nord

Mais plus que les Italiens, les peintres nordiques, allemands, flamands, hollandais, vont se passionner pour le paysage. Albrecht Dürer (1471 – 1528), qui se rendit deux fois en Italie à travers les Alpes, a rempli des carnets de paysages montagnards. Les Hollandais étaient à juste titre fiers d’un pays qu’ils avaient en partie créé en repoussant la mer et qu’ils venaient de libérer de la domination espagnole (naissance des Provinces Unies par l’Union d’Utrecht en 1579). Chez eux, le calvinisme dominant et le régime républicain n’étaient pas très favorables à l’épanouissement de la peinture religieuse et de la peinture d’histoire. Par contre, la présence d’une bourgeoisie aisée, cultivée, désireuse d’orner ses demeures urbaines de tableaux de petit format, a favorisé l’essor du paysage hollandais au « Siècle d’Or » (fin XVIe – 1ère moitié du XVIIe s.). Ces peintres nordiques sont attentifs aux ciels changeants qui occupent souvent les deux tiers de leurs tableaux, à la lumière d’une saison ou d’un moment de la journée. Si l’horizon de leurs paysages est bas, le Plat Pays concentre toute l’attention des Hollandais qui représentent avec une minutie de cartographe églises, moulins, chemins, champs cultivés ; l’homme est présent, mais c’est un contemporain, bûcheron, voyageur, et non un personnage mythologique. Ils ont recours à un système de représentation de l’espace différent de la perspective linéaire adoptée par les Italiens : par une subtile utilisation des teintes chaudes au premier plan, et de plus en plus froides dans le lointain, par l’estompage des contours au fur et à mesure que l’on se rapproche de l’horizon, ils créent l’illusion de la profondeur, c’est la « perspective atmosphérique » qui était déjà présente chez Van Eyck. Ces écoles du Nord sont bien représentées au musée des Augustins. Les Bûcherons en forêt d'Abraham Govaerts (1589 - 1629), le Paysage attribué à Jan Tilens (1589 – vers 1630), qui adopte le format original du tondo, la Lisière de forêt de Jacques Fouquières (1585 – 1659), La Haye vue du nord d’Anthoni Jansz Van der Croos ( ?1606 – ?1662) qui célèbre « le Plat pays ». Anthoni Jansz Van der Croos, La Haye vue du nord ou Les Dénicheurs d'oiseaux, peinture à l’huile sur bois, 1655. Photo : © Daniel Martin.

Un genre toujours mineur ?

La hiérarchie des genres

Dans la France du XVIIe siècle, fille aînée de l’Eglise et modèle de la monarchie absolue, le paysage ne pouvait pas connaître la même fortune que dans les bourgeoises Provinces-Unies. Les « grands genres » sont la peinture religieuse et la peinture d’histoire. D’ailleurs, l’Académie Royale créée en 1648, va édicter, sous la plume de son secrétaire André Félibien (1619 – 1695) une stricte hiérarchie des genres picturaux : « Celui qui fait parfaitement des paysages est au-dessus d’un autre qui ne fait que des fruits, des fleurs ou des coquilles … [mais] … comme la figure de l’homme est le plus parfait ouvrage de Dieu sur la terre, il est certain aussi que celui qui se rend l’imitateur de Dieu en peignant des figures humaines est beaucoup plus excellent que tous les autres. »4 C’est donc la reconnaissance du paysage, mais comme un genre mineur, juste avant la nature morte. Le grand peintre est celui qui traite de grands sujets (on peut établir un parallèle avec la littérature : le grand écrivain est celui qui compose des tragédies respectant la règle des trois unités). Le voyage en Italie fait partie de la formation des peintres ; à partir de 1666, la création de l’Académie de France à Rome facilitera les séjours des artistes français. Mais il n’est pas question d’aller peindre en plein air la campagne romaine : à partir de croquis, de souvenirs, l’artiste recompose en atelier un paysage amélioré, un « paysage idéal », avec références bibliques ou mythologiques. C’est ainsi que procèdent Nicolas Poussin (1594 – 1665) pour ses admirables paysages des Quatre Saisons et Claude Gellée, dit Le Lorrain (1715 – 1759) pour ses paysages imaginaires baignés d’une douce lumière.

le vedutisme

A la fin du XVIIe siècle et au début du XVIIIe siècle, se développe en Italie un genre particulier de paysage, essentiellement urbain, contemporain, d’une grande exactitude topographique, la « veduta » (vue, en italien). Ces vues, fidèles à la perception optique de la réalité, sont souvent réalisées à l’aide d’instruments, en particulier la « camera oscura » (chambre noire). Dans le développement du « vedutisme », les peintres nordiques italianisés ont joué un grand rôle, en particulier le Hollandais Gaspar Van Wittel – dit Vanvitelli – (1653 – 1736), qui serait l’inventeur du format « Paysage » deux fois plus large que haut. Au musée des Augustins, le vedutisme est bien représenté par une Vue de la place Saint-Pierre à Rome de Vanvitelli et par Le Pont du Rialto de Francesco Guardi (1712 – 1793) ; en effet, si le vedutisme s’est d’abord développé à Rome, c’est à Venise qu’il s’est épanoui avec Canaletto, Bellotto et les frères Guardi. Les vedutistes travaillaient essentiellement pour de riches étrangers, surtout Anglais, qui effectuaient une sorte de voyage de fin d’études, « le Grand Tour », qui les conduisait en Italie. Ces précurseurs des touristes riches et cultivés, désiraient emporter en souvenir des vues précises de Rome ou de Venise d’où la nécessité de l’exactitude topographique et du petit format.

L'encyclopédie des Amis de la Forêt de Fontainebleau est en amélioration continue.

La fin de ce chapitre :

LA PEINTURE DE PAYSAGE !

sera publié très prochainement, après révision.

 

Les notes de travail,ci-dessous, serviront à l'établissement du texte définitif

Le paysage du siècle des lumières

Le paysage triomphant,
la lumière d'Albion

Francesco Guardi, Le Pont du Rialto à Venise, huile sur toile, après 1760. Photo : © Daniel Martin.

Le « Siècle des Lumières » montre un grand intérêt pour la nature, le développement des « cabinets de curiosités » et l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert en témoignent. La sensibilité au paysage se manifeste, il était presque absent de la littérature classique (bien que Racine évoque « cette pâle clarté qui tombe des étoiles »). Jean-Jacques Rousseau l’y introduit dans la Nouvelle Héloïse, Les Rêveries du Promeneur solitaire ; les romantiques après lui en feront un thème récurrent. La hiérarchie des genres est moins contraignante mais, dans les Salons, l’accrochage met surtout en valeur les grands tableaux historiques, les paysages, souvent de petit format, ne sont pas vus. Diderot (1713 – 1784), critique d’art, ose bousculer la hiérarchie des genres en portant aux nues Chardin (1699 – 1779), peintre de natures mortes et Joseph Vernet (1714 – 1789), paysagiste. Ce dernier a d’ailleurs la reconnaissance officielle de son talent puisque le roi Louis XV lui passe commande de la série des 24 « Ports de France » (14 « vedute » furent exécutées). Jean-Baptiste Oudry (1686 – 1756), peintre paysagiste et animalier, connaît lui aussi le succès : directeur de la manufacture de Beauvais et inspecteur de celle des Gobelins, il fournit les cartons de tapisseries des Chasses Royales. Au musée des Augustins, son grand tableau Louis XV chassant le cerf dans la forêt de Saint-Germain appartient au genre du paysage, mais peut être aussi considéré comme un tableau d’histoire, un portrait de groupe et Oudry y a même glissé son autoportrait.

Jean-Baptiste Oudry, Louis XV chassant le cerf dans la forêt de St-Germain, huile sur toile, 1730. Photo : © Daniel Martin. Dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle, où triomphe le néoclassicisme mais où s’annonce aussi le préromantisme, Hubert Robert (1733 - 1808) connaît le succès en peignant des paysages avec ruines « Oh ! les belles, les sublimes ruines ! » s’exclame Diderot. Le Toulousain Pierre-Henri de Valenciennes (1750 - 1819), passionné par les paysages, a rapporté des carnets de dessins de ses voyages dans les Pyrénées, en Provence, en Italie. Son morceau de réception à l’Académie Royale de Peinture et Sculpture Cicéron découvrant le tombeau d’Archimède (1787) est un « tableau d’histoire » où le paysage, en fait, occupe la plus grande place.

Pierre-Henri de Valenciennes, Cicéron découvrant le tombeau d’Archimède, huile sur toile, 1787. Photo : © STC – Mairie de Toulouse. La Révolution Française supprime l’Académie Royale (1793) et donc, la contraignante hiérarchie des genres disparaît officiellement, mais elle a marqué durablement les esprits. C’est pourquoi Pierre-Henri de Valenciennes, que ses contemporains surnomment « Le David du paysage », s’efforce de faire reconnaître les mérites de son genre favori. En 1800, il publie « Elemens (sic) de perspective pratique à l’usage des artistes, suivis de réflexions et conseils à un élève sur la peinture et particulièrement sur le genre du Paysage » ; en 1816, il obtient de l’Ecole des Beaux-Arts la création d’un « Prix de Rome du paysage historique » décerné tous les quatre ans. C’est une étape de plus vers la reconnaissance du paysage, même si Baudelaire ironise plus tard sur ce genre du paysage historique : « c’est la morale appliquée à la nature »5.

Contenu en H3

Le paysage des romantiques

Porté par la vague romantique, le paysage devient un sujet à part entière, un des thèmes favoris des peintres du XIXe siècle. Les romantiques chargent le paysage de tous leurs états d’âme : mélancoliques, ils aiment les bords des lacs, les soleils couchants ; passionnés, exaltés, ils recherchent la nature sauvage, les sommets inviolés, la mer déchaînée, tous ces paysages considérés jusque là comme répulsifs. « Levez-vous, orages désirés » s’écrie Chateaubriand tandis que Madame Bovary « n’aime la mer qu’à cause de ses tempêtes ». Dans ses poèmes, dans ses dessins, Victor Hugo traduit l’amour des romantiques pour ces paysages extrêmes. D’autres écrivains, moins doués que lui pour les arts, se font parfois accompagner par un peintre : ainsi Alexandre Dumas voyage en Espagne avec Eugène Girard en 1846. Au musée des Augustins, un grand tableau témoigne de cette entrée de la nature sauvage, sous la forme de la haute montagne, dans le paysage. Il s’agit de la Cascade et le lac d’Oo (1835) de Louis-François Lejeune (1775 – 1848), ancien élève de Valenciennes, général et baron d’Empire. Pour donner plus de présence à la haute montagne, le peintre a choisi un format inhabituel pour un paysage, plus haut que large, ce qui le rapproche du portrait ou du tableau d’histoire.

Baron Lejeune, La chasse à l’ours vers la cascade du lac d’Oo près de Bagnères-de-Luchon, huile sur toile, 1834. Photo : © Daniel Martin.

Les Romantiques aiment aussi le dépaysement, l’exotisme, l’ailleurs. L’intérêt pour l’Orient s’est développé à la suite de l’expédition de Bonaparte en Egypte (1798 – 1799), la publication par Chateaubriand de son « Itinéraire de Paris à Jérusalem », les poèmes de Lord Byron (Pèlerinage du chevalier Harold), la guerre d’indépendance des Grecs contre les Turcs (1821 – 1830) et le début de la conquête de l’Algérie par la France (1830). Ce n’est plus l’orient antique mais l’orient contemporain qui passionne. De ce courant orientaliste témoignent au musée des Augustins Les Ruines de Baalbek de Jules-Louis-Philippe Coignet (1798 – 1860), actuellement en réserve, et surtout Mouley Abd er Rahman, Sultan du Maroc, sortant de son palais de Meknès d’Eugène Delacroix (1798 – 1863). Bien qu’il ne s’agisse pas d’une peinture de paysage à proprement parler, à travers l’implacable ciel bleu, les remparts ocres et la porte Bab el Mansour de Meknès, la vibration de la lumière, Delacroix a magistralement imposé la présence de la nature marocaine. Jules Coignet, Ruines de Baalbek, huile sur toile, avant 1846. Photo : © STC – Mairie de Toulouse. inauguration du chemin Théodore Caruelle d'Aligny, Camille Corot, les passeurs du romantisme

Les paysages et le monde contemporain

Sortir de l'atelier

Mais tous ces paysages ont été reconstitués en atelier. Un pas décisif sera franchi avec le développement des chemins de fer et l’invention du tube de peinture : les peintres peuvent aller sur le motif et travailler en plein air. Camille Corot (1796 – 1875) est un des premiers à l’avoir fait, bien qu’il ait aussi beaucoup retravaillé en atelier. Ses vues de la campagne romaine ensoleillée, ses paysages d’Ile de France baignés d’une douce lumière, font de lui, selon Delacroix, « le père du paysage moderne ». L’un des tableaux les plus représentatifs de ce poète du paysage est L’Etoile du matin au musée des Augustins.

Camille Corot, L’Etoile du matin, huile sur toile, 1864. Photo : © STC – Mairie de Toulouse.

C’est au milieu du XIXe siècle que la peinture de plein air prend vraiment son essor. La révolution industrielle, l’urbanisation croissante donnent la nostalgie des vertes campagnes. Les tableaux de l’Anglais Constable (1776 – 1837) La Charrette à foin – 1821, ses conférences sur l’art du paysage (English Landscape) influencent tous les paysagistes d’Europe. Ce sont aussi avec Constable, d’autres peintres anglais, Turner, Bonington, qui introduisent en France l’aquarelle (water-colours). Cette peinture à l’eau sur papier ou carton nécessite peu de préparatifs et sèche rapidement. Depuis la fin du XVIIIe siècle, elle est devenue pour les artistes anglais un véritable art national qui permet de traduire leur sensibilité particulière à la nature avec des couleurs légères et transparentes (les études de nuages de Constable, les impressions lumineuses de Turner…). Les peintres de Barbizon, Théodore Rousseau (1812 – 1867), Jean-François Millet (1814 – 1875), Narcisse Virgile Diaz de la Peña (1807– 1876), Charles-François Daubigny (1817 – 1878) fixent sur leur toile la forêt de Fontainebleau, les prairies, les troupeaux, les clairières avec le réalisme des Hollandais du Siècle d’Or. Daubigny se fait même aménager, en 1857, une barque-atelier avec laquelle il navigue sur l’Oise pour pouvoir mieux peindre le motif. Gustave Courbet (1819 – 1877), lui aussi, représente la nature telle qu’elle est car dit-il « la peinture est un art essentiellement concret et ne peut consister que dans la représentation des choses réelles et existantes. Le beau donné par la nature est supérieur à toutes les conventions de l’artiste ». Son Ruisseau du puits noir a la rudesse des paysages de sa Franche-Comté natale.

Gustave Courbet, Le Ruisseau du puits noir, huile sur toile, vers 1865. Photo : © STC – Mairie de Toulouse. En 1863, l’Ecole des Beaux-Arts supprime le prix de Rome du Paysage historique, comme devenu sans objet ; mais la même année, Edouard Manet (1832 – 1883) est refusé au Salon pour avoir introduit dans le paysage de son Déjeuner sur l’herbe des femmes dénudées qui ne sont ni des déesses ni des nymphes antiques… Dans le dernier quart du XIXe siècle, le paysage va connaître son apogée avec l’Impressionnisme (1872 : Impression, Soleil levant de Claude Monet [1840 – 1926]). Comme déjà dans les paysages de Turner (1775 – 1851), le sujet s’efface au profit de l’atmosphère, de la vibration de la lumière, des reflets de l’eau, les contours s’estompent, la touche est apparente.

Prendre villégiature en banlieue de Paris
Prendre villégiature à Barbizon
Les nouveaux domaines du paysage

Pour Cézanne (1839-1906) comme pour les impressionnistes « aucune peinture réalisée en atelier n’atteindra jamais celles peintes à l’extérieur ». En réaction contre la vision instantanée des impressionnistes, le paysage chez lui n’est pas un phénomène lumineux mais une construction par la couleur : il traite la nature « par le cône, le cylindre et la sphère ».

Au début du XXe siècle, les Fauves habillent le paysage de couleurs vives et arbitraires, les Cubistes le décomposent et le font éclater, les Expressionnistes n’y voient que tensions et formes tourmentées… Aucun de ces mouvements n’est représenté dans les collections du musée des Augustins. Avec l’abstraction, le paysage disparaît, comme les autres sujets, pour laisser place à la peinture elle-même. Le paysage va-t-il être définitivement abandonné par les artistes au « peintres du dimanche » ? Il conquiert en fait d’autres territoires. Dans les années 60, se développe en Angleterre et aux Etats-Unis le « Land Art » ou « Earth Work », une démarche plus qu’un mouvement, qui pose le problème des rapports de l’homme et de l’environnement. Il s’agit tantôt d’intervenir sur le paysage, de le « marquer » comme Robert Smithson (Spiral Jetty – 1970) tantôt d’introduire des éléments végétaux, minéraux, dans les lieux culturels (musées…). Les photographes, les cinéastes, sont les nouveaux paysagistes de la fin du XXe siècle et du début du XXIe. Jean-Marc Bustamante découpe un rectangle dans un paysage sans en éliminer les éléments triviaux, disgracieux, poteaux électriques, silos, barbelés, H.L.M. etc., mais la couleur et le très grand format des images confèrent à ces paysages contemporains que nous ne voyons plus une certaine grandeur. Yann Artus-Bertrand se consacre aux paysages aériens dans « La Terre vue du ciel », il dresse un état des lieux de la planète… Mais le paysage de chevalet n’a pas disparu. Henri Cueco, après avoir adhéré aux avant-gardes des années 60 et 70, fait le portrait des arbres de son jardin, du chemin, de la clôture, paysages de petit format, pleins d’acuité et de tendresse (la Petite peinture). Pierre Buraglio compose ses paysages en assemblant des éléments très divers, peinture à l’huile, cadres tronqués, sérigraphies, avec une grande élégance et beaucoup de sensibilité. « Lorsqu’on évoque aujourd’hui le paysage, on parle de perception individuelle et d’esthétique, mais aussi de représentation collective. Le paysage a un lien avec la nature, mais aussi avec la société. Il relève du monde de l’art mais également de la maîtrise du territoire, de l’économie, de la psychologie ou du politique. C’est le lieu de la rencontre avec l’autre à travers la pratique des hommes qui l’ont façonné… Le paysage, c’est notre mode d’accès à la nature le plus immédiat. C’est aussi une image de soi. » Gilles A. Tiberghien, philosophe spécialiste du paysage. Propose recueillis par Emmanuel de Roux – Le Monde, 25 décembre 2001. L’intérêt pour le paysage ne se dément pas. En 2001, la Réunion des Musées Nationaux a proposé le thème du paysage avec succès : 530 musées français et 81 musées européens ont organisé des expositions sur le sujet.

La technique picturale contemporaine du premier Barbizon

Tubes - toiles - chevalets
Perspective et profondeur par la couleur et le ton
Gravures - dessins - manuels pédagogique

Contexte social et contexte politique de la villégiature de Barbizon

Républicains - catholiques "sociaux" - humanisme dérivé des lumières
Millet et la tendance Lamenais Karl Bormer et l'humanisme rhénan
Une opposition fondamentale
Il est l'auteur, peu avant son décès, du "Laudes Creaturarum" (Cantique des Créatures), connu aussi sous le nom de "Cantico di Frate Sole"(Cantique du soleil en français)
 
 
Exempli gratia : L'encyclopédie de Raban Maur (B.N.).
Exempli gratia : Le sarcophage dit de la "Chasse de Méléagre" (Toulouse.)
Augustin Berque : "Les raisons du paysage de la Chine antique aux environnements de synthèse"(Hazan - Paris 1995-).