Résines et gommes au 19 ème siècle

Introduction

Dès qu'on évoque la révolution industrielle du 19 siècle jaillit l'idé de "VAPEUR", cependant cette révolution n'est pas que celle de l'énergie.

C'est aussi une révolution de la chimie, qui devient industrielle, y participèrent de très grands savants comme Chevreul.
Alors, les industries les plus encombrantes s'installent autour des métropoles (c'est la future ceinture "rouge" de Paris) tandis que des activités plus discrètes et l'artisanat demeurent et croissent à l'intérieur des limites du mur des fermiers généraux.

Mais en ce temps, d'une part il était impossible de produire des molécules de synthèse, d'autre part la chimie dérivée des goudrons et du pétrole naturel en Europe, était quasi absente.

L'arbre avec sa sève devint donc le premier fournisseur de matières premières pour l'industrie chimique naissante ; industrie qui fournissait en produits transformés les autres secteurs industriels et artisanaux.
Dans toute l'Europe on mit à contribution les forêts proches des métropoles. Ainsi, un siècle, durant la forêt de Fontainebleau, comme d’autres, contribua au développement économique de la France.

Ex-nihilo, on se représente mal l'immense variété de produits tirés de seulement quelques espèces différentes. D’aucunes comme l'Epicéa et le Mélèze furent acclimaté tout exprès dans le bassin parisien et particulièrement en forêt de Fontainebleau (le tourisme industriel n'est pas une nouveauté.et en 1839 il existait déjà une plantation de Mélèzes en forêt de Fontainebleau qui se visitait - vers le canton de la "vallée Jauberton").

L'article qui suit à pour objet essentiel de découvrir un pan de cette vaste activité.

Résines

Les résines sont les principes immédiats de deux genres de substances analogues : les térébenthines et les baumes, où les résines se trouvent associées à un principe liquide appelé essence ou huile essentielle.

Les résines sont tantôt blanches, tantôt jaunâtres et ordinairement foncent au contact de l'air. Elles sortent des tissus végétaux à l'état de suc visqueux et ne tardent pas à se solidifier. Elles sont fusibles, inflammables et brûlent en dégageant une fumée épaisse et noire. L'eau ne les dissout point, mais elles sont solubles dans l'éther et dans l'alcool.
Les résines ne sont que des dérivés de la térébenthine, aussi, chimiquement parlant, n'est-ce que de la térébenthine qui coule des incisions faites aux arbres résinifères et c'est de cette substance qu'on extrait l'essence de térébenthine, puis la résine proprement dite.

C'est de la térébenthine qu'on tire la poix noire et le goudron dont les usages furent nombreux tant dans l'industrie qu'en médecine. Ce sont de ces matières qu'on extrait les premières substances antiseptiques comme l'acide phénique et le phénol, qui furent à l'origine de la thérapeutique dite Iistérienne.
Ce sont encore des poix et des goudrons qu'on tire les admirables couleurs allant des violets aux rouges qui sont toutes des dérivés de l'aniline.

Ces produits sont fournis par les conifères pins, sapins, mélèzes, genévrier, etc...

La térébenthine de Chio, qui est la véritable térébenthine des anciens, s'échappe des fissures du térébinthe. La substance que les latins nommaient resina lentiscina est connue aujourd'hui sous le nom de mastic et n'est autre chose que la résine du Pistachier lentisque d'Asie Mineure.

Ce nom de mastic vient de l'usage qu'on en fit dans tout le Levant comme masticatoire doué d'odeurs et de saveurs aromatiques.

Le mastic ramollit sous la dent et tant les hommes que les femmes d'Orient en mâchèrent continuellement pour s'en parfumer la bouche. En Europe, on s'en servit pour la préparation de vernis à tableaux et d'une colle très forte avec laquelle on raccommodait les porcelaines, les verres et les cristaux.

Un autre arbre du même genre que le lentisque nous fournit la précieuse résine, si connue, sous le nom d'encens. L'encens des Indes se présente presque toujours sous la forme de larmes oblongues et jaunâtres qui brûlent facilement en répandant une fumée blanche d'odeur balsamique exquise. L'encens servait depuis l'antiquité la plus reculée à parfumer les temples pour masquer l'odeur infecte qu'exhalaient les chairs des bêtes sacrifiées.
L'Église catholique a conservé cet usage sans maintenir le souvenir de son origine. On mêle souvent à l'encens d'autres aromates comme le benjoin, le musc et l'ambre. On fait de ces mélanges des poudres qu'on projette sur des charbons ardents. On en fait aussi des pastilles aromatiques en y mêlant du charbon et du sel de nitre pulvérisés. Ces pastilles dites pastilles du sérail sont de forme conique et brûlent en répandant une odeur délicieuse.
L'encens servit encore à une époque récente en pharmacie pour la préparation de certains baumes.

La dénomination de "baumes" s'applique à des substances résineuses analogues aux térébenthines. Le benjoin, le styrax, le baume du Pérou, le baume de Tolu, ou de La Mecque sont les principaux types de ces produits naturels. Le baume du Pérou est employé en médecine comme topique et diurétique ; on l'ordonnait à la fin des maladies chroniques de la poitrine et pour stimuler les organes de la respiration.

Les propriétés du baume de Tolu sont comparables ; il eut le mérite d'inspirer à Gaston Bachelard sa célèbre et remarquable "Psychanalyse du feu". Les baumes de Nerval et du Commandeur sont des composés aromatisés du baume de Tolu.

Gommes

Le mot gomme a dans le langage populaire un sens assez vague si bien qu'on s'en servit pour désigner des substances fort différentes. Les gommes proprement dites sont produites par quelques arbres et arbrisseaux appartenant soit à la famille des léguminosées, soit à la famille des rosacées Elles sont tantôt absolument incolores, tantôt faiblement colorées en jaune ou en rouge. Insolubles dans l'alcool ou l'éther, les gommes se dissolvent très facilement dans l'eau, ce qui les distingue essentiellement des résines.

Ce qu'on nomme des gommes-résines sont des produits artificiels mixtes.

La gomme la plus connue de tous est la gomme arabique découlant de certains acacias. Il en est de qualités diverses, la plus répandue en France fut la gomme du Sénégal, produite par l'Acacia verek arbre de taille moyenne particulièrement épineux et au port tortueux. Le liquide qui en suinte à travers l'écorce se solidifie en larmes globuleuses, brillantes à l'intérieur.
Recueillie, cette gomme, via Port Saint-Louis ("saint-Louis" aujourd'hui), était dirigée vers l'industrie métropolitaine.

Les gommes furent employées pour la fabrication des encres, des cirages, pour épaissir les couleurs, apprêter et lustrer tant les étoffes que les feutres de chapellerie.

La médecine, des gommes, privilégia les propriétés adoucissantes. Les pâtes de guimauve et de jujube ne sont que des mélanges de gomme arabique et de sucre, aromatisés avec le jus de ces plantes.

La gomme adragantes est une substance insipide et inodore que les pharmaciens employèrent pour donner de la consistance aux loochs (syn: Potion) et pour lier les pâtes des pastilles.
Les pâtissiers et les confiseurs la firent entrer dans la composition de quelques crèmes et gelées.

La gomme gutte est fréquemment employée comme couleur jaune dans l'aquarelle et la miniature. Sa teinte naturelle est brun rougeâtre, mais réduite en poudre elle est d'un jaune éclatant. Cette poudre délayée dans l'eau conserve, après séchage, toutes sortes de nuances dorées.

La gomme ammoniaque était employée à la préparation du mastic de vitrier nommé ciment Diamant, au moyen duquel on réparait aussi les porcelaines brisées et les marbres ébréchés. Cette même -gomme ammoniaque servait, en pharmacie, à la préparation d'emplâtres de ciguë.

Le caoutchouc, à l'origine nommé gomme élastique, est une sorte de résine tenue en suspension dans la sève de plusieurs plantes d'Amérique du Sud appartenant à plusieurs familles
C'est en 1736 qu'il fut pour la première fois signalé par le savant explorateur La Condamine, envoyé au Pérou pour étudier la forme et la grandeur du globe terrestre.

L'arbre principal qui fournit le caoutchouc fut décrit par d'autres voyageurs français et s'appelle pour le botaniste Hévéa guyanensis.
L'Inde orientale et l'île de Java possèdent aussi des arbres dont la sève est particulièrement riche en gomme élastique ; ce sont les Ficus indica et les Ficus elastica.
Le procédé d'origine d'extraction du caoutchouc est proche de celui qui permet de recueillir la résine. Par de longues rainures verticales, ou obliques par la suite, entaillées dans le tronc, on amène la sève dans un récipient situé à la base. Ce récipient est fait de deux moules d'argile crue emboîtés l'un dans l'autre. La sève qui emplit l'intervalle ne tarde pas à se solidifier. Les moules sont brisés et on récupère une espèce de poire en caoutchouc d'un brun presque noir.

Au début, le caoutchouc naturel fut considéré comme une curiosité, mais on ne tarda pas à lui trouver mille usages : gomme à effacer, balles élastiques, tubes, sondes, canules, tuyaux acoustiques... Puis vinrent les chaussures, les étoffes imperméables, les jarretières et les pièces de corset féminin, etc...

Par adjonction de soufre, on passa du caoutchouc rose au caoutchouc gris dit vulcanisé et ses usages devinrent vraiment industriels. Aujourd'hui nous n'utilisons quasi plus que des caoutchoucs synthétiques (La production mondiale en 1993 était de 4,5 millions de tonnes de caoutchouc naturel pour 10 millions de tonnes de caoutchouc synthétique).

Avant de quitter les gommes et résines, nous devons parler d'un produit très proche du caoutchouc, dont on fit un usage important dans tout le monde industriel de la fin du XIXème siècle au début du XX éme siècle et aujourd'hui presque oublié : la gutta-percha.
La gutta était une résine récoltée en Inde et dans les îles de Malaisie et d'Indonésie comme Bornéo et Java. La méthode de récolte est la même que celle du caoutchouc- La gutta est inaltérable, imperméable à l'eau, inattaquable par les acides. De plus elle est à la fois souple et tenace. Les indigènes de l'Insulinde en faisaient des manches de haches et des vases.

La gutta arrivait en Europe, principalement d'Inde, en masses feuilletées sous forme de rouleaux ou de pains coniques. Après broyage et lavage, l'industrie la portait à une température de cent degrés environ. La gutta subit alors une sorte de fusion pâteuse permettant de la malaxer puis de la mouler en toutes sortes de formes qu'elle conserve en se refroidissant et en durcissant.

Avec la gutta-percha, on fit aussi bien des conduits pour les eaux que des cuves pour galvanoplastie, des robinets, des pistons, des appareils de chirurgie et de physique, des ustensiles de voyage et des articles de fantaisie.
C'est avec des fils télégraphiques isolés par un enrobement de gutta-percha qu'on relia pour la première fois l'Europe à l'Amérique. La perception humaine de l'espace et du temps en fut pour toujours modifiée.

La Gutta est toujours utilisée, entre-autres, en dentisterie et pour les balles de golf.